SECONDE CONFERENCE UNION EUROPEENNE- ETATS UNIS
SUR LA SANTE ET SECURITE AU TRAVAIL
15-17 NOVEMBRE 2000
SAN FRANCISCO
INTERVENTION FRANCAISE
AU NOM DE LA PRESIDENCE DE L'UNION EUROPEENNE
Remarks by Mr Hubert Martin
Counselor for labor and Social Affairs at the Embassy of France
representing the French Delegation
Washington DC
Mr Assistant Secretary,
Ladies and gentlemen,
I was told by our American friends that I could claim this morning the privilege of speaking to you in French. Well, I am going to do just that and take advantage of their kind offer. And for those of you who are English speakers, you might also consider that, if I am translated, it will be an advantage too.
Mesdames, Messieurs,
C'est un grand honneur pour moi au nom de la France, dans l'exercice de la Présidence de l'Union Européenne, de m'adresser à vous à l'ouverture de cette seconde conférence Etats-Unis - Europe sur les questions de protection de la santé et de la sécurité au travail.
Je voudrais au nom de l'Union Européenne remercier les autorités américaines pour l'excellente organisation de cette conférence et pour nous offrir l'hospitalité dans le cadre de cette ville magnifique de San Francisco.
Je voudrais remercier particulièrement M. Charles Jeffress pour son accueil et pour tout le soin que lui-même et ses collaborateurs - notamment Ms Jacquelyn De Mesme-Gray - ont mis dans la préparation de cette conférence.
Mon appréciation va également à l'équipe de la Commission Européenne qui a travaillé à cette préparation Dr Biosca de Segastuy et Dr Francisco Alvarez..
Cette conférence fait suite aux travaux réalisés à Luxembourg en 1998 et s'inscrit dans le cadre plus large de la coopération voulue par le Président des Etats-Unis et le Président de la Commission Européenne à travers l'institution d'un dialogue transatlantique.
Ce dialogue recouvre de nombreux aspects de la vie de nos pays : vie économique, environnement. Par l'intermédiaire de rencontres régulières organisées entre la Direction Sociale de la Commission Européenne et le Département américain du Travail, il couvre aussi les questions d'emploi et de relations du travail. Il est un instrument indispensable de connaissance mutuelle de nos politiques dans ces domaines, de coopération et aussi de contacts personnels entre experts.
Avant que nous entrions dans la substance même de cette conférence sur la santé et sécurité, je voudrais profiter de ces quelques mots de bienvenue pour souligner auprès de nos amis américains quelques caractéristiques fondamentales de ce que nous appelons parfois le modèle social européen. Mon propos ici n'est pas de porter un jugement sur la valeur et la qualité de ce modèle; il est beaucoup plus modeste. Il est de rappeler brièvement comment les politiques de protection sociale et de droit du travail sont intégrées à la construction même de l'Union européenne.
La première caractéristique est que la recherche du progrès social a été dès l'origine et reste aujourd'hui un pilier essentiel de l'intégration européenne.
Quand un premier groupe de pays s'est réuni en 1957 pour fonder la communauté économique européenne, peu d'articles du traité concernaient spécifiquement la politique sociale. Cependant ces fondateurs ont considéré que l'intégration économique et commerciale plus étroite qu'ils recherchaient entre eux ne devait pas se réaliser au détriment du niveau de protection sociale existant dans les pays membres les plus avancés par une concurrence par le bas. Ils ont prévu expressément que l'harmonisation devait se faire " dans le progrès " c'est à dire vers le haut. Tel est le principe qui nous régit aujourd'hui puisque ce sont les termes mêmes - l'égalisation dans le progrès - de l'article 136 du traité actuel.
La deuxième caractéristique est que les objectifs sociaux du traité sont traduits dans des textes qui ont un impact juridique réel sur la vie des entreprises et des travailleurs européens.
La politique sociale communautaire n'est pas une incantation. Une législation sociale européenne a vu le jour, sur les fondements du traité, à partir de textes qui s'imposent à tous les Etats membres et créent une communauté de règles de protections minimales.
Ces textes - dont la plupart prennent la forme de directives - sont adoptées par le Conseil de l'Union qui regroupe les chefs d'Etat et de gouvernement ou les ministres concernés. Le Parlement et les partenaires sociaux interviennent dans leur élaboration. La Cour de Justice européenne est chargée de veiller à leur application.
Je voudrais citer quelques exemples de directives:
- bien entendu, dans le domaine qui nous concerne aujourd'hui, la directive cadre de 1989 et l'ensemble des directives qui en découlent, mais le champ d'intervention s'étend au-delà. Par exemple:
- la directive sur le temps de travail qui établit entre autres une limite maximale des heures travaillées, des durées de repos quotidien et hebdomadaires, une période minimale de congés annuels de quatre semaines.
- la directive sur l'interdiction du travail des enfants et la protection des jeunes au travail qui prévoit un âge minimum pour pratiquer une activité professionnelle et des règles protectrices de temps de travail et de repos et de conditions de travail pour les jeunes,
- vient d'être adopté par le Conseil des Ministres d'octobre dernier un projet de directive contre les discriminations sur le lieu du travail.
De nombreux autres exemples pourraient être cités.
Une troisième caractéristique de ce modèle social est qu'il est en développement.
Depuis l'orgine de la Communauté européenne, des étapes importantes l'ont marqué. L'une d'elles était la charte sociale des droits des travailleurs en 1989. Mon objet ici n'est pas de le rappeler dans les détails.
Je voudrais me concentrer sur les développements pouvant intervenir dans un avenir proche.
Le premier est l'adoption - sans doute le mois prochain si tout se passe bien - d'une charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne. Cette charte des droits - un << bill of rights >> en quelque sorte - est très large dans son objet. Mais les droits sociaux y occupent une place importante. Sur une cinquantaine d'articles que contient la charte, une quinzaine définissent les droits fondamentaux des travailleurs et leurs familles (non discrimination, droit à la négociation collective, à la sécurité sociale, à l'assurance maladie etc.).
La deuxième concrétisation de cet approfondissement du modèle social européen réside dans la perspective de l'adoption << l'agenda social >> qui sera discuté au Conseil des Ministres début décembre. Cet agenda qui trace le cadre de la politique sociale de l'Union pour les 5 prochaines années et à la fois ambitieux et réaliste.
Il cherche à garantir une interaction entre les politiques économiques, la politique de l'emploi et la politique sociale, dans le cadre de la libre concurrence, afin d'assurer une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale. Le but est de construire une Europe qui conjugue dynamisme économique et solidarité, compétitivité et justice sociale.
Or l'un des éléments clefs de cette qualité de l'emploi sont les conditions de travail et notamment le << pilier >> de la santé et la sécurité au travail. Les discussions en cours sur cet agenda social mettent en lumière, tant du coté des partenaires sociaux que des institutions européennes ou des Etats membres, l'acuité de la protection de l'intégrité physique et morale et de la sécurité des personnes sur les lieux de travail.
L'ensemble de la démarche engagée pour la santé et la sécurité au travail s'inscrit donc au premier plan du modèle social européen.
Comme cela avait déjà été souligné lors de la conférence de Luxembourg, les questions de santé et sécurité au travail revêtent un caractère doublement important pour l'Europe.
D'abord, l'objectif de protéger la vie des personnes dans l'exercice de leur métier, sur leur lieu de travail s'impose comme une exigence prioritaire. Mais c'est aussi un domaine où, dans le cadre de la construction sociale, l'action de l'Europe est la plus développée.
Les questions de santé et de sécurité doivent être traitées, à la fois, au regard des impératifs sociaux de protection des travailleurs mais aussi du respect des règles de concurrence afin d'empêcher de faire de la protection des travailleurs un objet de <<dumping social>>
Ce propos d'ouverture ne peut être conclu sans, une nouvelle fois, remercier très chaleureusement nos hôtes américains pour la qualité de leur accueil et de l'organisation.
Nous allons commencer nos travaux et je souhaite à tous une participation et un dialogue fructueux.
A leur terme, nous aurons sans doute à regarder vers l'avenir de nos rencontres et en définir la forme et le contenu pour poursuivre l'échange engagé de part et d'autre de l'Atlantique sur un sujet qui est au coeur de toute politique sociale. Parce qu'il s'agit de l'intégrité et de la sécurité des personnes, il ne peut pas être absent non plus, au delà des frontières de l'Union européenne et des Etats-Unis, de la reflexion sur la dimension sociale de l'organisation des échanges et de la globalisation.
Je vous remercie.